l'Exception Culturelle Française : le Passé, le Présent et le Futur


HAMISH STARLING

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Le concept de «l'exception culturelle française», pose une question qui se soulève quasi continuellement en sujet de contention parmi les académiques et les hommes politiques internationaux. Pour le gouvernement c'est une ressource critique dans la lutte contre l'américanisation du pays, et dans la protection des artistes, réalisateurs, et auteurs qui créent le tissu culturel de l'Hexagone. Toutefois, pour les anglophones notamment, c'est une attaque perpétuelle envers l'expansion de leurs idées et de leurs œuvres en France. Dans cet essai je me pencherai sur la question de si la politique de l'exception culturelle est justifiée, et en considérant plusieurs exemples de son implantation actuelle, on verra son impact sur les arts issus de la France. Je conclurai en faisant une recommandation pour l'avenir de la politique, et comment on devrait continuer à poursuivre ses objectifs.

Tout d'abord, comment définir l'exception culturelle ? L'expression date de la fin du 20ème siècle, ayant des origines dans la mondialisation et dans les accords de libre-échange préparés à cette époque, et elle connaît vraiment deux sens importants. Premièrement, c'est l'idée d'exempter les œuvres culturelles, dont les livres, les films, et la radio, de ces accords de libre-échange afin qu'un pays puisse soutenir ses propres artistes, réalisateurs etc. On reconnaît que permettre au marché de gouverner l'échange de biens culturels serait nocif pour les industries créatives en jeu, qui seraient dominées par leurs concurrents internationaux. Alors, cette forme de protectionnisme existe notamment pour privilégier les industries culturelles françaises, au prix de leurs équivalents étrangers. Cela étant dit, le terme a acquis aussi un autre sens, sens notamment dans lequel il se voit employé par les étrangers. C'est l'idée que la culture française se considère comme plus importante que celle des autres nations. En partie, cette interprétation est alimentée par l'utilisation généreuse du dispositif en France, alors que les autres pays n'en profitent guère autant.

L'exemple canonique de l'exception culturelle est la Loi sur l'Audiovisuel (et aussi la loi Toubon), qui stipule qu'à la radio française il faut diffuser au moins quarante pour cent de chansons francophones. Au lieu de permettre aux consommateurs d'écouter seulement ce qui leur plaît, le gouvernement protège l'industrie au sein de l'Hexagone en exposant plus de talents locaux. La politique comprend aussi la taxe de la CNC sur les entrées en salle de cinéma et sur les DVD etc. L'argent récolté est employé pour soutenir les nouveaux réalisateurs en France en offrant une avance sur les recettes, par exemple. [7] Enfin, c'est cette intervention économique dans les secteurs culturels pour les incuber qui caractérise l'exception culturelle.

Après avoir considéré la définition de cette politique, on doit commencer à l'évaluer, et c'est une question compliquée dont les avis sont partagés. Personne ne pourrait douter qu'elle a un fort impact sur la consommation de biens culturels français au sein de l'Hexagone, mais il faut demander si les avantages l'emportent sur les inconvénients. Une étude récente [1] suggère que la taille du marché américain cinématographique en France représente à peu près trois quarts de sa taille dans les pays voisins, au profit de l'industrie nationale. C'est en grande partie dû à la protection offerte par le dispositif de l'exception culturelle. En plus de soutenir les productions francophones dans le marché, les lois sur l'exception culturelle financent plus les films d'art et d'essai que les films grand public, relatif aux pays similaires. Donc, le public peut apprécier ces films peu connus qui ne seraient sinon pas rentables, et les nouveaux cinématographes peuvent démontrer leurs talents. En ce qui concerne la musique, la politique a un effet multiplicatif car une conscience plus importante de la musique française encourage l'intérêt aux divers types de musique de production locale, et le regard des émissions comme Nouvelle Star, par exemple. Cette dernière favorise la découverte des «nouvelles stars» comme la célèbre Louane, qui captent l'intérêt et les ambitions du public. Tout ça enchaîne le début de la carrière de beaucoup de jeunes musiciens inspirés par ceux et celles qu'ils voient à la télévision.

Cependant, l'exception culturelle française a certainement des détracteurs. Pour ce qui est de la radio, il a fallu mettre à jour la loi en 2015 après que plusieurs sondages ont révélé que les stations privées grand public diffusaient la même chanson francophone des centaines de fois pour remplir leurs quotas. Dans les pires cas, seulement 10 titres représentaient 75 % de leurs diffusions obligatoires. [2] Vu sous ce jour, l'exception culturelle n'est qu'une frustration que les grandes entreprises essaieront toujours de contourner, qui ne soutient pas les petites maisons de production musicale. Elle se focalise sur les grands tubes que les gens connaissent qui réussiraient sans elle. D'ailleurs, selon Françoise Benhamou, auteur du rapport «Les Dérèglements de l'exception culturelle», [4] même quand on soutient les nouveaux talents dans les genres marginalisés, puisque ce ne sont pas des secteurs qui peuvent réussir en marché libre, on crée des structures économiques fragiles qui tomberont dès que, au plus profond d'une récession économique nationale, le gouvernement arrête de les subventionner. À ce moment-là, tout le travail pour protéger les industries culturelles françaises disparaît. Un autre inconvénient de cette politique est son impact sur le marché en exportation pour les biens culturels français. On ne peut pas, comme on dit, avoir le beurre et l'argent du beurre, et c'est-à-dire que privilégier les industries nationales au sein de son propre pays peut nuire aux perspectives de ces mêmes industries internationalement quand les autres nations font pour elles la même chose. Pour certains [5], la culture est en gros une façon de «nous rouvrir au-delà des frontières», et si cette politique alimente l'introversion culturelle, elle n'aide personne.

En plus, il faut qu'on reconnaisse l'impact qu'a l'exception culturelle sur le rayonnement dans le monde de la France. Comme j'ai déjà évoqué, pour les autres pays, elle lui a peut-être donné une mauvaise image, celle d'être le pays qui refuse toujours de faire des échanges avec les autres pays sans que ses biens soient protégés, celle de l'enfant égoïste à la cour de l'école qui pense à elle-même et à elle-même seulement. Sans considérer aucun autre avantage ni inconvénient, est-ce que cet impact nuisible sur la réputation du pays représente preuve suffisante que l'exception culturelle ne marche pas?

De fait, je pense que non. Les modifications en 2015 de la loi sur l'Audiovisuel témoignent que la législation qui donne forme à cette politique d'exception culturelle est flexible, non rigide. L'exception culturelle est plus un principe qui guide la formation de lois portant sur l'échange culturel qu'une représentation spécifique en contexte de cette idée. Elle incarne, justement, le principe que la culture est importante, que sa diversité est sa force et qu'elle vaut la peine d'être protégée. C'est, selon moi, une constatation pour laquelle tout le monde peut s'accorder. Comme l'économiste coréen Ha Joon-Chang le dit, l'échange sans aucun contrôle «ne rend pas [forcément] les pays concernés plus riches» [8], et ce sentiment s'applique d'autant plus à la richesse culturelle qu'à la richesse monétaire.

Les évidences dans le domaine du cinéma démontrent de façon incontestable qu'avec sa politique de protectionnisme la France connaît plus de succès pour ce qui est de tenir une identité cinématographique nationale que ses voisins, face aux importations américaines qui commencent à dominer le marché. Tandis que le patrimoine culturel immatériel anglais est en crise (en partie à cause d'un manque de volonté de signer la déclaration de l'Unesco sur le PCI), la France est le pays européen avec le plus de festivals de films (dont les plus grands pour courts-métrages (à Clermont-Ferrand) et pour longs-métrages (à Cannes, bien sûr)), et une longue histoire du cinéma. Alors que mes collègues ici en Angleterre n'écoutent que la musique pop américaine, creuse à l'oreille, la chanson française, un genre unique, national, où les paroles même des plus grands tubes ont une signification réelle, s'épanouit au sein de l'Hexagone.

Pour résumer, bien que la politique de l'exception culturelle contraigne les consommateurs, et que les compagnies privées fassent de leur mieux pour la contourner, en vue de ses bénéfices évidents que j'ai décrits, je trouve que c'est une bonne chose. En ce qui concerne la suggestion que la politique crée des industries fragiles, il est clair pour moi que la seule façon d'assurer la réussite continuelle de la culture francophone est de se battre pour elle en s'engageant à plus répandre l'exception culturelle, et non en supprimant cette dernière. Tout récemment [6], l'Académie Française a constaté une nette hausse dans l'usage des mots empruntés de l'anglais en France. Il n'y a donc aucun doute que le tissu culturel de la France est, plus que jamais, menacé par la mondialisation.

Alors, quel avenir pour l'exception culturelle ? Après la pandémie, tout le monde réalise de plus en plus qu'on a toutes les œuvres culturelles qu'on pourrait imaginer à bout de main avec Internet. En soi, la France a du mal à faire concurrence aux géants américains pour faire entendre sa voix dans ce nouveau contexte. À l'avenir, il se peut qu'on fasse face à un monde homogène, où on voit partout les mêmes blockbusters insipides qui sortent de Hollywood, et la même musique anodine d'artistes plus motivés par le profit que la culture. Alors nous avons un choix, un choix de protéger la culture qui représente une partie du patrimoine immatériel de la France, ou de la laisser mourir.

Mais d'après moi nous avons déjà trouvé le remède pour ce malaise. Les quotas de radio existants soulignent la distinction importante entre ce qui est «français» et ce qui est «francophone». Un monde sépare la vive richesse de la culture traditionnelle des pays francophones de la commercialisation actuelle qui la tue. Or, comme on l'a évoqué, privilégier la culture nationale risque de réduire les échanges qui font partie intégrante de l'appréciation de la culture. Donc, je ne vois qu'une façon de nouer des liens entre ces deux objectifs : il faut que les pays de la Francophonie se battent ensemble contre la nouvelle menace culturelle. C'est pour ça que je recommande l'adoption d'une nouvelle politique d'exception culturelle plus répandue qui comprend un plus libre échange de biens culturels au sein de la francophonie (une sorte d'«Union Culturelle» si vous voulez), mais qui protège suffisamment la francophonie de l'influence néfaste de la concurrence anglophone.
The concept of the "French Cultural Exception" asks a question that arises almost continuously as a contentious issue among international academics and politicians. For the French government it is a critical resource in the fight against the Americanisation of the country, and in the protection of the artists, directors, and authors who create its cultural fabric. However, for Anglophones in particular, it represents a perpetual attack on the expansion of their ideas and works in France, harming the French export market for their cultural works. In this essay I will consider whether the policy of cultural exception is justified, and by looking at several examples of its current implementation, we will see its impact on the arts originating in France. I will conclude by making a recommendation for the future of the policy, considering how it should continue to pursue its objectives in the modern world.


First of all, how should cultural exception be defined? The term dates from the end of the 20th century, having its origins in globalisation and the free trade agreements of the time, and it really has two important meanings. Firstly, it is the idea of exempting cultural works, including books, films, and radio, from these free trade agreements so that a country can prioritise and subsidise its own artists, filmmakers, and so on. The policy recognises that allowing the market to govern the exchange of cultural goods would be harmful to the creative industries involved, which could become dominated by their international competitors. So this form of protectionism exists in particular to support French cultural industries at the cost of their foreign equivalents. That said, the term has also acquired another meaning, one in which it is particularly used by foreigners. This is the idea that French culture considers itself in some way more important and more worth protecting than that of other nations. In part, this interpretation is fuelled by the generous use that France makes of the cultural exception, while other countries hardly benefit from it.

The canonical example of cultural exception in France is the Loi sur l'Audiovisuel (and also the Loi Toubon), which stipulates that French radio must broadcast at least forty per cent French language songs. Instead of allowing consumers to listen only to what they like, the government protects the industry within France by exposing more local talents. The policy also includes the tax on cinema admissions and DVDs by the Centre National du Cinéma et de l'Image Animée (CNC). The money collected is used to support new filmmakers in France by offering an advance on ticket sales, for example. [7] Overall, it is this economic intervention in the cultural sectors to incubate them that characterises the cultural exception.

Having considered the definition of this policy, we must begin to evaluate it. This is a complicated issue where opinions are divided. No one could doubt that the cultural exception has a strong impact on the consumption of French cultural goods within France, but it is crucial to ask whether the benefits outweigh the drawbacks. A recent study [1] suggests that the size of the US film market in France is about three quarters of its size in neighbouring countries, to the benefit of the domestic industry. This is largely due to the protection offered by the cultural exception. In addition to supporting French-language productions in the market, the cultural exception laws fund more niche art house films than mainstream films, relative to similar countries. Thus, audiences can enjoy these lesser-known films that would not otherwise be profitable, and new filmmakers can demonstrate their talents. As far as music is concerned, the policy of cultural exception has a multiplicative effect as a greater awareness of French music encourages interest in various genres of music produced by the national industry, and the viewing of programmes such as Nouvelle Star (similar to The X Factor), for example. The latter promotes the discovery of new artists such as the famous Louane (French musician who originated on Nouvelle Star), who capture the interest and ambitions of the public. All of this sets the stage for the careers of many young musicians who are inspired by those they see on television.

However, the French cultural exception certainly has its detractors. In the case of radio, the law had to be updated in 2015 after several surveys revealed that mainstream private stations were playing the same french language song hundreds of times to meet their quotas. In the worst cases, only 10 songs accounted for 75% of their mandatory broadcasts. [2] Seen in this light, the cultural exception is just a frustration that big companies will always try to circumvent, which does not support small music production companies. It focuses on the hits that people know which would succeed without it. Moreover, according to Françoise Benhamou, author of the report "Les Dérèglements de l'exception culturelle", [4] even when we support new talent in marginalised genres, since these are not sectors that can succeed in the free market, we create fragile economic structures that will fall as soon as, in the depths of a national economic recession, the government stops subsidising them. At that point, all the work to protect the French cultural industries disappears. Another drawback of the policy is its impact on the export market for French cultural goods. You can't, as they say, have your cake and eat it, which is to say that prioritising national industries within your own country can damage the prospects of those same industries internationally when other nations do the same thing. For some [5], culture is most of all a way of "opening ourselves up to other countries across borders", and so if the policy feeds cultural introversion, it helps no one.





Furthermore, the impact of the cultural exception on France's influence in the world must be recognised. As I have already mentioned, from the point of view of other countries, the policy has perhaps given France a bad image, that of being the country that always refuses to trade with other countries without its goods being protected, that of the selfish child in the school playground who thinks of herself and herself alone. Without considering any other advantages or disadvantages, is this damaging impact on the country's reputation sufficient proof that the cultural exception does not work?

In fact, I don't think so. The 2015 amendments to the Audiovisual Law show that the legislation that shapes this cultural exception policy is flexible, not rigid. The cultural exception is more a principle that guides the formation of laws on cultural exchange than a context-specific representation of this idea. It embodies, precisely, the principle that culture is important, that its diversity is its strength and that it is worth protecting. This is, I think, a statement that everyone can agree on. As the Korean economist Ha Joon-Chang [8] states, free market exchange "does not [necessarily] make the countries involved richer", and this sentiment is surely even more applicable to cultural wealth than to monetary wealth.



The evidence in the field of cinema shows indisputably that with its policy of protectionism France is more successful in maintaining a national film identity than its neighbours, in the face of American imports that are beginning to dominate the market. While England's intangible cultural heritage is in crisis (partly due to a an unwillingness to sign up to the Unesco declaration on ICH), France is the European country with the most film festivals (including the largest for short films (in Clermont-Ferrand) and for feature films (in Cannes, of course!)), and a long history of cinema. While my colleagues here in England listen only to the hollow-lyricked American pop music, French chanson, a unique, national genre, where even the lyrics of the biggest hits have real meaning, is flourishing within the country.



To summarise, although the cultural exception policy constrains consumers, and private companies do their best to circumvent it, for its clear benefits outlined, I think it is a good thing. As for the suggestion that the policy creates fragile industries, it is clear to me that the only way to ensure the continued success of Francophone culture is to fight for it by committing to more widespread cultural exception, not by abolishing it. Just recently [6] , the Académie Française noted a marked increase in the use of words borrowed from English in France. There is therefore no doubt that the cultural fabric of France is, more than ever, threatened by globalisation.




So, what future for the cultural exception? After the pandemic, everyone is realising more and more that we have all the cultural works we could imagine at our fingertips with the Internet. In itself, France is finding it difficult to compete with the American giants to make its voice heard in this new context. In the future, it is possible that we could be faced with a homogeneous world, where everywhere we see the same insipid blockbusters coming out of Hollywood, and the same anodyne music from artists more motivated by profit than culture. So we have a choice, a choice to protect the culture that represents part of France's intangible heritage, or to let it die.


But in my opinion we have already found the remedy for this malaise. The existing radio quotas underline the important distinction between what is wholly "French" and what is specifically "French language". There is a world of difference between the vivid richness of the traditional culture of French-speaking countries and the current commercialisation that is killing it, but as has been mentioned, the introverted attitude of focusing on national culture risks reducing the cultural exchange that is an integral part of cultural appreciation. So I see only one way to tie together these two objectives: the countries of the Francophonie (France's equivalent of the Commonwealth) must fight together against the new cultural threat. This is why I recommend the adoption of a new and more widespread cultural exception policy that includes a freer exchange of cultural goods within the Francophonie (a kind of "Cultural Union" if you will), but that sufficiently protects the Francophonie from the harmful influence of English speaking competition.


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[6] AFP in Paris (2022). Académie Française denounces rise of English words in public life. [online] the Guardian. Available at: https://www.theguardian.com/world/2022/feb/16/academie-francaise-denounces-rise-of-english-words-in-public-life [Accessed 17 Mar. 2022]

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[8] Joon-Chang, H. (2011). Free Trade Does Not Make Countries Richer. [online] www.youtube.com. Available at: https://www.youtube.com/watch?v=BPtm1KUu2Yk [Accessed 20 Mar. 2022].